• La Doctrine Sociale de l'Église éclaire le dossier des retraites

    Personnes âgées - Image par Alexa de Pixabay

    Personnes âgées - Image par Alexa de Pixabay

    Président de Syndicatho, je souhaite donner ici mon point de vue sur le projet de réforme des retraites.

    Mon opinion (j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une opinion : je ne prétends pas détenir la vérité) se fonde prioritairement sur la DSÉ (Doctrine Sociale de l'Église), sur laquelle s'appuie Syndicatho, et notamment sur son principe de base, le principe personnaliste. Celui-ci condamne tout recours à la contrainte : « Tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit. » (Compendium de la DSÉ, article 155).

    Je crois que le système de retraite français, parce qu'il est essentiellement imposé par la contrainte, ne respecte pas le principe personnaliste, et qu'il ne le respectera pas plus après la réforme. C'est donc avant tout sur la base d'un argument moral (le non-respect de la liberté et de la dignité des citoyens), que je désapprouve notre système de retraite et la réforme annoncée. 

    Mes arguments suivants, de bien moindre poids à mes yeux, ne reposent pas sur la morale mais sur la raison.

    Charles Ponzi - Crédit photo : Jared Enos sur VisualHunt.com

     Charles Ponzi
    Crédit photo : Jared Enos sur VisualHunt.com
      1) Je crois indiscutable que notre système de retraite relève de la même famille que le frauduleux système de Ponzi, utilisé, entre autres, par Madoff. Dans cette escroquerie, les intérêts élevés payés par un emprunteur à ses prêteurs ne sont pas obtenus grâce aux revenus générés par la somme empruntée, mais grâce aux sommes versées par de nouveaux prêteurs. Par exemple, si au 1er janvier, 10 personnes prêtent chacune 1000 € à Ponzi, qui leur garantit 10% d'intérêts par mois, et qu'au 1er février le prêteur numéro 1 récupère ses 1000 € plus 10 % d'intérêt (100 €) et qu'au 1er mars le prêteur numéro 2 récupère ses 1000 € plus 20 % d'intérêt (soit 200 €), de nouvelles personnes pourront être attirées par des rendements aussi mirifiques, confirmés par les prêteurs 1 et 2. Une fois qu'il aura attiré un grand nombre de "pigeons", l'emprunteur disparaîtra dans la nature au grand dam de ses victimes.
    Ayant été une des victimes de Madoff (via la société Aforge-Finance, à qui j'avais confié de l'argent à faire fructifier !), j'ai récupéré seulement 10 % de ma mise, et perdu ainsi une somme importante. C'est exactement sur ce même mécanisme qu'ont été payées jusqu'à présent les pensions de retraite en France. Les retraités ont perçu en moyenne des retraites très largement supérieures aux cotisations qu'ils avaient versées durant leur vie active. Le jour où le pot aux roses sera découvert, les victimes n'auront plus que leurs yeux pour pleurer.  

    Bernard Madoff - Crédit  Photo: Abode of Chaos sur VisualHunt.com

    Bernard Madoff, portrait peint
    Crédit photo : Abode of Chaos sur VisualHunt.com

    2) J'entends ou lis ici ou là que la situation financière de notre système de retraite est très satisfaisante, qu'il y a des réserves abondantes et que les résultats annuels sont équilibrés. Je conteste cet argumentation. Il faut savoir qu'il existe deux types de comptabilité : la comptabilité de caisse, qui concerne les associations et les professions libérales, et la comptabilité d'engagement. La première n'enregistre que les dépenses et les recettes effectivement constatés par un mouvement de caisse ou sur le compte bancaire. La seconde enregistre également les recettes ou les dépenses (appelés "produits" ou "charges") qui ont fait l'objet d'un engagement. Par exemple si de la marchandise a été reçue mais non encore payée, la charge correspondante, qui est certaine et dont le montant est connu, est enregistrée dans la comptabilité. De même si un chèque a été émis mais non encore encaissé par le destinataire. Ce type de comptabilité reflète bien plus sincèrement que l'autre la situation et les opérations de l'entreprise : il est obligatoire pour celles-ci. Or la comptabilité du système de retraite ne comptabilise aucun engagement à payer des retraites, dans les années à venir, aux actifs actuels. Il est facile de faire apparaître des réserves et un équilibre budgétaire annuel lorsque l'on ne comptabilise que les cotisations perçues dans l'année mais pas les pensions qui devront être versées ultérieurement en contrepartie desdites cotisations. Lorsqu'on interroge l'État sur les raisons de cette non-prise en compte des engagements de payer des retraites, celui-ci explique qu'il ne prend aucun engagement de verser des pensions ! Madoff faisait croire à ses victimes qu'il les rembourserait avec des intérêts élevés. L'État français nous semble plus honnête puisqu'il avoue qu'il ne s'engage à rien du tout. Je regrette qu'il ne fasse pas savoir clairement à la population qu'il prélève des cotisations sans s'engager à verser quelque pension que ce soit en contrepartie.

    En conclusion, je crois que le système de retraite actuel relève de l'escroquerie, qu'il doit donc être reformé d'urgence, et que la seule réforme acceptable consisterait à rendre leur liberté de choix aux citoyens en n'imposant rien par la contrainte. Cette réforme impliquerait de révéler explicitement à la population le caractère malhonnête du système actuel et l'absence d'engagement de l'État à verser quelque pension de retraite que ce soit, dans le futur. Ceci nécessiterait de trouver un accord pour dédommager les victimes de l'escroquerie, toutes les personnes ayant cotisé à fonds perdu dans le système abandonné.

    Dans un prochain article, je tenterai d'apporter un éclairage sur quelques aspects annexes de ce dossier des retraites, comme la question de savoir si un taux de fécondité féminine plus élevé permettrait de sauver le système, ou la question de l'actualisation des pensions de retraite pour effacer les effets de l'inflation.

    « Le système de retraite français et sa réforme annoncée"Les ouvriers et les jeunes sont les catégories les moins syndiquées en France", par Nicolas Lecaussin (IREF) »
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